L’injonction contre poursuites : Une procédure lourde de sens et de conséquences

Marine Marchande
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L’injonction contre poursuites (anti-suit injunction) est de plus en plus utilisée dans les litiges nés du contrat de transport maritime pour soustraire à la juridiction marocaine  le traitement de ces litiges au profit de chambres d’arbitrage étrangères.

 

Les injonctions contre poursuites concernent essentiellement les litiges résultant du transport de vrac sec et liquide. Ces trafics qui représentent près de 80% du total de nos échanges sont réalisés par des navires affrétés au voyage.

Les réceptionnaires marocains qui achètent le plus souvent leurs cargaisons en coût et fret se trouvent porteurs de connaissements faisant référence à la charte-partie d’affrètement négociée entre le fréteur et l’affréteur et dont les réceptionnaires ne disposent pas généralement. La clause compromissoire de ces chartes-parties prévoit usuellement l’arbitrage à Londres.

Le réceptionnaire qui a une réclamation pour avarie ou manquant touchant la cargaison, s’adresse habituellement aux tribunaux marocains pour faire valoir ses droits à l’encontre du transporteur maritime.

Or depuis peu, le transporteur qui se sait visé par une action en justice au Maroc saisit le tribunal arbitral prévu à la charte-partie et engage parallèlement devant un juge anglais une demande d’injonction contre poursuites (anti-suit injunction) pour arrêter les procédures en cours au Maroc au motif que c’est le forum prévu dans la charte-partie (le plus souvent la chambre d’arbitrage maritime de Londres) qui est seul habilité à connaître des litiges nés du transport.

Les sociétés d’assurance subrogées dans les droits des réceptionnaires qu’ils ont indemnisés sont les plus visées par ces injonctions lesquelles comportent généralement des menaces d’ordre pénal (amende et/ou emprisonnement) visant les dirigeants des sociétés qui s’obstinent à maintenir l’action engagée devant le tribunal marocain.

         L’injonction contre les poursuites :

  • Prive les réceptionnaires du bénéfice de la Convention de Hambourg sur le transport de marchandises par mer appliquée par les tribunaux marocains et dont les dispositions sont  plus avantageuses que  celles de la Convention de Bruxelles et des Règles de la Hague Visby.
  • S’inscrit dans la volonté des opérateurs des pays (anglo-saxons et autres)  appliquant la « common law » de soustraire le traitement des litiges commerciaux et d’investissement aux juridictions des pays tiers pour les soumettre à la justice privée (arbitrage) réputée plus compétente et plus rapide.
  • Est vexante pour les pays visés par cette mesure. En effet des pays (comme ceux l’UE) se sont prémunis des « anti-suit injunctions » à travers des accords interdisant de dessaisir leurs tribunaux des litiges en cours au motif que leur justice est indépendante et professionnelle, ce qui n’est pas le cas des autres pays.

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