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Des médias algériens (Elkahabar N° 5761 du 16 septembre 2009) ont rapporté la présence en Italie depuis le 12 septembre, d’une importante délégation militaire algérienne représentant le ministère de la défense et conduite par un général de l’armée.
La visite qui comprend les chantiers de construction italiens de la frégate FREMM, a également été l’occasion de rencontrer de hauts militaires italiens en l’occurrence le secrétaire général du ministère de la défense, le général ALDO CHERALELI, et le chef d’état Major de la Marine l’Amiral Andrea Camperiligri pour discuter de l’achat éventuel de 6 frégates FREMM pour la marine algérienne d’un montant de 4 milliards d’euros.
Ces discussions, si elles se confirmaient, font suite à l’échec des négociations entreprises par Alger et Paris en vue de la commande de 4 FREMM pour la marine algérienne. Pour rappel le programme FREMM (Frégate Européenne Multi-Missions) est un projet développé en commun entre l’Italie et la France à travers leurs chantiers de construction militaires DCNS (France) et Fincantieri (Italie). Le premier succès à l’export de ce programme a été réalisé par la France, après la commande par le Royaume d’une FREMM pour un montant de 500 millions d’euros, la livraison de celle-ci est prévue pour 2012.
Si ces discussions venaient à se concrétiser, cela ressemblerait bien, comme un signal fort d’Alger à Rabat et Paris. En effet, les discussions entre Paris et Alger sur les FREMM, avaient débuté en Novembre 2007, lors de la visite du Président Nicolas Sarkozy en Algérie à qui il avait accordé la primauté de son déplacement au Maghreb, déclenchant ainsi l’ire de Rabat. Pour réparer cet incident et rattraper la cacophonie française sur le dossier du Rafale, le Président Français avait offert au Royaume le dernier né de la construction militaire française dans le naval militaire. Ce précieux geste du président français, visait à rééquilibrer la donne militaire au niveau du Détroit de Gibraltar après la démonstration de force Espagnole lors de l’épisode de l’ilot Leïla.
Aujourd’hui encore, il semblerait bien que l’annonce par Alger de contactes avec les italiens pour l’achat de FREMM s’inscrivent dans la continuité de la rivalité maroco-algérienne. En effet, il y a peu de temps l’Algérie avait annoncé le report à une date ultérieure de la visite du Président Bouteflika à Paris suite à l’annonce d’une visite qui allait la précéder du Roi Mohamed VI. Ce signal signifierait qu’Alger n’est pas du tout contente de ce traitement privilégié du Royaume. A noter qu’une série d’incidents avaient entaché ces derniers mois les relations franco-algériennes. Après l’adoption par le gouvernement algérien dans sa loi de Finances complémentaire (LFC 2009) de certaines dispositions restrictives au commerce extérieur et aux investisseurs étrangers en Algérie. Les entreprises françaises, ont été les plus touchées au même titre que le port de Marseille par ses mesures qu'elles avaient vivement dénoncés par la voie des leurs autorités à leur annonce.
La réponse de la France aux mesures du gouvernement algérien est venue elle sur le terrain politique en remettant à jour le dossier de l’assassinat des moines de Tihbérine. Ces moines français assassinés en Algérie durant les années quatre vingt dix et qui auraient été les victimes d’une bavure militaire algérienne selon une version relaté par les médias. Paris a semble-t-il voulu monnayer ses intérêts économiques en Algérie en échange d’un étouffement de l’affaire à l’instar de ce que vient de faire Londres dans l’affaire de l’attentat de Lockerbie. Et il semble bien que la manœuvre ait porté ses fruits, puisque certaines dispositions de la loi de finances complémentaires ont été atténuées. La rétroactivité de la loi qui aurait affecté plusieurs investissements français en Algérie a été abandonnée.
Mais si Alger a perdu une bataille, elle n’a pas encore perdu la guerre. Le président français, qui vient de signer un important contrat d’armement de 8 huit milliards d’euros avec le Brésil, aprés d’importantes concessions sur le transfert de technologie pour la vente de divers matérielles militaires : construction de quatre sous-marins conventionnels et un vaste programme de Transfert de Technologie (TOT) comprenant l'assistance pour le design - sous l'autorité de conception de la Marine brésilienne - de la partie non nucléaire du premier sous-marin à propulsion nucléaire brésilien ainsi que l'assistance à la réalisation d'une base navale et d'un chantier naval et la promesse du président Lula de privilégier l’offre française pour l’équipement en chasseurs de l’armée de l’air, ne pourra digéré facilement la perte d’un aussi important contrat, lui qui est prêt à vendre un porte hélicoptère de type Mistral à la Marine Russe, surtout que l’Algérie est un marché privilégié pour la France et que le plan de charge des chantiers de l’Atlantique (STX France) et de DCNS n’est pas du tout assuré après l’effondrement des commandes de navires de croisières avec la crise économique et le report de la construction d’un deuxième porte avion le PA2 pour début 2012 si toutefois le budget le permet.
C’est ainsi qu’on peut déduire que la manœuvre algérienne a pour but trois objectifs principaux :
- Mettre la pression sur Paris pour revoir à la baisse ses projets de développement dans le Royaume surtout dans le domaine économique : la suppression du crédit automobile et l’obligation faite aux entreprises étrangères d’importation d’avoir un partenaire algérien dans le tour de table vise principalement les entreprises françaises comme Renault qui développent des projets de production au Maroc alors que l’Algérie ne représente qu’un débouché pour ses produits
- Entrainer le Royaume dans une course effrénée à l’armement à coup de milliards pour ralentir le rythme d’investissement public dans des projets d’infrastructures structurant pour le Royaume comme Tanger Med II et prochainement Nador West Med. L’Algérie malgré un programme d’investissement public de plus de 150 milliards de dollars durant la dernière décennie n’a pu gagner plus de 2 points de croissance, alors que le Royaume pour un investissement de dix mois moins 12 milliards de dollars en infrastructure a durant la même période gagné 3 à 4 points de croissance en plus.
- Renforcer le leadership régional en matière maritime. L’Algérie veut ainsi se positionner par rapport à des partenaires extérieures comme l’OTAN avec lequel elle a multiplié les exercices et le groupe 5+5, comme un garant de la sécurité de la navigation dans le méditerrané surtout face à des fléaux qui se développent comme l’immigration clandestine, le trafic de drogue, le terrorisme ou la piraterie maritime. Ces considérations pourront faire de l’Algérie un acteur majeur dans l’union pour la méditerranée (UPM) qui veut développer une politique commune en matière sécurité maritime pour les pays de l’union. Alors que Royaume s’ouvre vers sa façade Atlantique à travers l’initiative pour l’Atlantique Sud dont il vient de devenir membre.
Au delà de tous ces faits, il est intéressant de noter que Mr Bouteflika n’est pas à son premier coup de poker avec la France. En effet celui-ci s’est fait longtemps désiré avant d’accepter l’invitation du président français pour la première réunion officielle des chefs d’état de l’UPM.
Mais s’il est vrai, que l’Italie possède la technologie des FREMM, il n’est pas certain qu’Alger qui ne cède rien sans contrepartie fasse à Mr Berlusconi le don d’un aussi précieux cadeau. Il est plus que probable, qu’Alger est entrain de monter les enchères entre Paris et Rome pour avoir le meilleur prix, ses réserves de changes s’amenuisant elle ne plus se permettre le luxe d’acheter sans compter d’abord ses sous. Surtout que les clients de Paris ont compris après l’épisode des négociations de la vente de Rafle avec le Royaume, que celle-ci ne faisait pas trop d’efforts sur les prix surtout lorsque la négociation se fait sans réelle concurrence dans des marchés comme le Maghreb ou elle bénéficie d’un avantage politique certain.
Autre fait, qui pourrait aller à l’encontre de cette vente, les FREMM qui sont proposés à Alger doivent être équipées d’un système d’armes constitués de missiles américains, or le Pentagone a exprimé clairement que la vente de ce genre de matériels à un pays tiers ne peut se faire sans son accord. Washington autorisant au compte goutte, ces dernières années la vente d’armes à Alger, d’une part pour ménager son allié stratégique et son premier client dans la région : le Maroc, et d’autre part pour rassurer son autre allié stratégique Israël qui a exprimé ses derniers mois de vives inquiétudes sur le développement des capacités de la marine algérienne. La France reste ainsi la seule à pouvoir offrir suffisamment de garantie aux marocains, américains et israéliens que cette vente ne participera en rien au déséquilibre des forces dans la région.
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