La libéralisation du secteur du transport maritime, effective depuis 2007, n’a pas été suffisamment accompagnée de mesures permettant à l’armement national de faire face à cette nouvelle donne. Aussi, le cadre réglementaire est toujours régi par le Code du commerce maritime de 1919 et aucune mesure incitative à l’investissement n’a été mise en place. Explications
- L’Economiste: Comment se porte l’activité en cette période de crise financière, particulièrement au Maroc?
- El Mostafa Fakhir : Le secteur du transport maritime a été l’un des premiers secteurs à avoir ressenti les effets de la crise financière puisqu’il est lié au commerce international dont la crise a fortement impacté l’activité. Au niveau mondial, cette crise s’est traduite pour les compagnies maritimes, par une chute importante des taux d’affrètement des navires qui ont touché des niveaux anormalement bas, ce qui ne permettait plus aux armateurs de couvrir leurs charges d’exploitation: d’ailleurs plusieurs compagnies maritimes ont désarmé une partie de leur flotte, alors que d’autres ont tout simplement cessé leurs activités.
Pour le secteur du transport maritime national, l’année 2009 aura été une année difficile, elle a été caractérisée par la contraction des échanges extérieurs du Royaume et des taux d’affrètement très bas, dans ce contexte une mise à niveau du secteur est plus que nécessaire.
- La morosité frappe-t-elle les armateurs marocains aussi ? Pourquoi ?
- Aujourd’hui, les armateurs marocains assurent moins de 11% des échanges extérieurs du Royaume qui se font à 98% par voie maritime. Ce pourcentage remonte à 48% pour le trafic dans le détroit de Gibraltar. Il est vrai que plusieurs facteurs sont derrière cette situation, la libéralisation du secteur du transport maritime (open sea) qui a été effective depuis 2007 n’a pas été suffisamment accompagnée de mesures permettant à l’armement national de faire face à cette nouvelle donne.
On a libéralisé les recettes aux lignes étrangères mais pas les charges pour l’armateur national. Le cadre réglementaire est toujours régit par le code du commerce maritime de 1919 et aucune mesure incitative à l’investissement n’a été mise en place.
Le secteur étant fortement capitalistique, un soutien de l’état est plus que nécessaire.
- Les tarifs pratiqués par les armateurs marocains, ont-ils subi des augmentations?
- Dans le contexte de la libre concurrence du secteur actuel, nos tarifs sont ceux du marché, ils y sont indexés à la hausse comme à la baisse.
- A combien estimez-vous le nombre de bateaux de tous les armateurs marocains?
- Malheureusement la flotte nationale a connu une forte diminution ces dernières années. On est ainsi passé d’environ 48 unités en 2000, à moins de 24 unités actuellement, avec une moyenne d’âge de plus 30 ans pour les navires à passagers. Il est à noter que c’est grâce à l’armement national qu’aujourd’hui nous pouvons encore prétendre à une position concurrentielle vis-à-vis des compagnies espagnoles dans le détroit de Gibraltar.
Néanmoins avec une flotte dont certaines unités atteignent plus de 35 ans d’âge, il faut penser sérieusement à la moderniser. Mais quand on sait qu’un navire à passagers répondant aux normes européennes plus exigeantes que celles de l’Organisation maritime internationale (OMI) coûte environ 40 millions de dollars aujourd’hui, vous comprendrez bien que rien ne peut être fait dans ce domaine sans un soutien de l’état.
Dans les années 70, lorsque feu Hassan II avait lancé le plan quinquennal 1973-1978 qui comportait un important effort du gouvernement pour soutenir le pavillon national en accordant 30% comme prime à l’investissement et une ristourne d’intérêt sur les 70% restants, la flotte nationale avait atteint 70 navires pour une capacité de plus de 660.000 tonnes et nous avons pu couvrir 21% de nos échanges avec l’étranger.
Aujourd’hui le pavillon marocain est absent d’un trafic national de plus de 50 millions de tonnes dans le charbon, le blé, le phosphate et l’acide phosphorique. Quand on sait que l’affrètement d’un navire vraquier coûte environ 40.000 dollars par jour, on comprend rapidement l’enjeu à être dépendant à 100% de la flotte étrangère.
- Quel est le chiffre d’affaires réalisé par les armateurs?
- Nous ne disposons pas encore de chiffres précis pour 2009, mais il est certain que nous serons un peu en dessous de la moyenne des quatre dernières années, soit environ 4 milliards de DH. Le pavillon national transporte actuellement entre 7,5 et 8,5 millions de tonnes de marchandises et environ 2 millions de passagers annuellement.
- Les armateurs se plaignent de la cherté du pavillon marocain. Comment remédier à cet état des choses?
- Le Comité central des armateurs marocains (CCAM), a formulé plusieurs propositions concrètes pour améliorer la compétitivité du pavillon national. Ces mesures font l’objet d’une concertation permanente et approfondie avec l’administration de tutelle.
Le fret maritime représente 12% de notre facture du commerce extérieur, notre balance des paiements dans le transport maritime est chroniquement déficitaire et continue de s’aggraver.
Aujourd’hui, le Maroc perd 14 milliards de DH en devises pour le règlement de sa facture de transport maritime ce qui représente un manque à gagner important autant pour l’économie nationale qu’en chiffre d’affaires pour l’armement marocain.
C’est pourquoi, notre comité appelle à un engagement gouvernemental d’un nouveau genre pour soutenir notre activité à l’instar de ce qui a été fait pour les armateurs européens.
La crise financière internationale a démontré que le libre marché ne pouvait être à lui seul un régulateur économique de l’activité et que l’Etat devait renouveler son soutien au secteur privé, nous saluons dans ce sens le travail accompli par le Comité de veille stratégique et nous sommes confiants qu’aujourd’hui le gouvernement est interpellé d’une manière suffisante à la nécessité de soutenir l’armement national.
- Quelle est la position des armateurs marocains face à la concurrence étrangère?
- Le secteur du transport maritime international est par essence un secteur qui fait quotidiennement face à la concurrence étrangère. Les armateurs marocains ne travaillent pas uniquement pour des clients nationaux mais aussi avec des clients étrangers. Malheureusement, alors que le Maroc a ouvert son trafic maritime international à tout le monde, les armateurs marocains ne peuvent quant à eux accéder à des marchés comme ceux de l’UE principal partenaire économique du Royaume. L’UE adopte une politique de réservation de trafic déguisée pour le pavillon européen, à travers le cabotage communautaire ou comme cela se faisait, par l’intermédiaire des assurances comme la Coface qui n’assurait une marchandise à l’export ou à l’import que si elle était transportée par un pavillon européen, cette mesure ayant été abandonnée après les réclamations des armateurs et l’administration.
- Quel bilan faites-vous de la réforme portuaire: une vraie réforme ou seulement de la poudre aux yeux ?
- Cette question est un autre débat, le plus important est de tirer les leçons pour l’avenir.
- Y a-t-il une véritable concurrence dans le secteur?
- S’il est vrai qu’aujourd’hui, nous notons avec satisfaction l’amélioration de la qualité des services rendus par les opérateurs et le rôle important joué par l’ANP dans la stabilisation des prix et l’adoption d’une tarification horaire unique pour les prestations connexes portuaires au profit des armateurs, au niveau des prix de la manutention nous constatons la même grille tarifaire chez les deux opérateurs. Alors y a-t-il une vraie concurrence? Pour vous répondre, il vaut mieux poser cette question aux importateurs et exportateurs.
Reprise
Entre septembre 2009 et le 1er mars 2010, il a été constaté une augmentation de la valeur des prix des navires d’occasion, indique un armateur. Une hausse qui se situe entre 25 et 41% selon la taille du navire. Selon la même source, le fret maritime va inéluctablement suivre avec, cependant, une petite inertie au début que l’on estime à deux mois.
Il y a également lieu de noter une reprise de l’activité du transport maritime. Cela veut dire que la sortie de crise est entamée. On en veut comme preuve l’importante diminution des navires qui étaient jusque-là sans emploi.
Source:www.leconomiste.com
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